Chroniques
17 février 2022
Chroniques

PRÊT, PAS PRÊT, J’ENGAGE!

S’il y a un élément sur lequel la majorité des chefs d’entreprise s’entendent, depuis les 24 derniers mois, c’est la question des difficultés liées à l’embauche. Le stress et les problèmes que provoque la pénurie de main-d’œuvre en poussent plusieurs à prendre de mauvaises décisions. Ils cherchent à en comprendre les causes sans toujours trouver de réponse. Si vous vous reconnaissez, nous essayerons, par ce modeste billet, de vous épauler dans votre réflexion, à savoir comment réduire les risques de commettre des erreurs de recrutement.

Dispendieux les mauvaises embauches

Plusieurs s’entendent sur le fait que l’élément le plus important pour déterminer la qualité d’une organisation est ses ressources humaines. En revanche, si le recrutement n’est pas fait avec rigueur, elles peuvent rapidement devenir sa plus grande faiblesse. Pourquoi ? Parce que les mauvaises embauches coûtent très cher aux entreprises et pas strictement sur le plan financier.

En 2017, un sondage de Career Builder estimait que les coûts directs et indirects liés à une erreur d’embauche s’élevaient à 15 000 $ en moyenne et que ceux associés à la perte d’un employé de qualité pouvaient atteindre jusqu’à 30 000 $. Des employés récemment embauchés ont également été sondés et l’étude révélait que plus de 60 % d’entre eux mentionnaient que leur nouvel employeur ne convenait pas. La conséquence ? La moitié ont quitté leur emploi moins de six mois après leur embauche. Au-delà de la perte financière, imaginez le gaspillage de temps et d’énergie pour les divers membres de l’entreprise impliqués dans le recrutement, l’intégration puis la formation de ces ressources. Sans compter qu’il faut ensuite repartir à zéro.

Les erreurs sont toujours possibles, mais les experts en ressources humaines s’entendent pour dire que la mise en place d’un processus de recrutement rigoureux permet de réduire les risques d’erreur. Il existe plusieurs théories sur le nombre d’étapes qu’il devrait comporter pour être efficace, mais nous en parlerons dans une future chronique. Chose certaine, vous devez monter une grille d’évaluation et y inclure vos critères les plus importants. Celle-ci agira comme filtre, réduisant le nombre de candidats étape par étape pour en arriver à vos finalistes.

Les causes

Malgré un mécanisme de recrutement bien rodé, de nombreuses choses peuvent amener à commettre des erreurs. Afin de les éviter, voyons les plus fréquentes :

Prioriser les besoins à court terme
Pour qu’un processus soit optimal, il faut tout d’abord se pencher sur l’évaluation de vos besoins. Projetez-vous dans cinq ans afin que votre recrutement soit stratégique et conséquent. L’embauche à court terme revient à tenter de guérir une plaie profonde sans la désinfecter. Ça va mal tourner !

Sauter des étapes
Après avoir établi le meilleur processus qui soit, assurez-vous de le respecter. Dans des situations d’urgence, il est facile de céder à la panique et de sauter des étapes, ce qui amène à prendre de mauvaises décisions. Il est primordial de prendre le temps de bien faire les choses afin de rentabiliser le temps investi à bâtir votre mécanisme d’embauche.

Attirer des candidats non qualifiés
Ne négligez pas l’importance de rédiger une offre d’emploi en adéquation avec les exigences que vous avez établies. Soyez précis et évitez les généralités. L’objectif étant d’embaucher la meilleure ressource possible, il est donc crucial que votre description de poste attire des personnes qui répondront à vos exigences. Comme les candidats de choix savent ce qu’ils recherchent, assurez-vous que votre description soit séduisante et les interpelle.

Ignorer la rétroaction des candidats
N’hésitez pas à sonder les personnes qui ont pris le temps de venir vous rencontrer. Surtout, soyez ouvert à la critique et utilisez cette intelligence de marché à bon escient. Elle pourra vous servir à peaufiner votre processus et faire en sorte de faire vivre une bonne expérience-candidat, peu importe l’issue.

Comparer vos candidats

Comme nous l’avons indiqué plus tôt, le fait de sauter des étapes amène à prendre de mauvaises décisions. Il est vrai que dans un contexte de rareté, on peut être tenté de mettre le pied sur l’accélérateur, surtout lorsqu’on est en présence d’un bon candidat. Néanmoins, le fait de succomber à la tentation de déposer une offre en toute hâte pourrait coûter cher.

Les résultats de ce candidat d’exception parlent peut-être d’eux-mêmes, mais ce n’est pas chez vous qu’il les a atteints. Est-ce que votre environnement et les équipes en place lui permettront d’avoir autant de succès ? Qu’en est-il de son attitude ? Ses valeurs sont-elles compatibles avec votre entreprise ? Malheureusement, les compétences générales des candidats sont souvent négligées au profit de leurs atouts techniques. Pourtant, l’attitude d’un collaborateur sera la plus déterminante pour son intégration réussie dans votre équipe. La mauvaise personne peut rapidement miner l’ambiance au sein d’un groupe de travail et avoir des impacts négatifs sur la productivité.

Prenez le temps de rencontrer d’autres candidats et prenez la peine de faire des comparaisons. Deux ou trois autres candidats aideront à mettre les choses en perspective, à mieux peser le pour et le contre, et à prendre une meilleure décision.

Votre candidat a trois offres

Votre processus est lancé et voilà qu’après la première série d’entrevues, votre candidat numéro un vous annonce qu’il a trois offres sur la table et qu’il doit fournir des réponses rapidement. La panique s’installe ! Vous pouvez vous précipiter aux Ressources humaines pour faire préparer une offre que celui-ci ne pourra pas refuser. Mais est-ce la meilleure alternative ?

Dans de telles circonstances, quelques questions s’imposent avant d’agir :

  • Avez-vous fait le tour de la question avec ce candidat ?
  • Comprenez-vous bien ses motivations et aspirations à long terme ?
  • L’avez-vous soumis au test psychométrique que vous avez soigneusement sélectionné ?
  • En avez-vous analysé les résultats et fait une rétroaction avec le candidat ?
  • Le candidat a-t-il rencontré tous les collaborateurs qui interviennent dans la décision finale ?

Si vous répondez non à l’une de ces questions, ne faites pas d’offre. Respectez les balises que vous avez établies. Vous vous rendrez service, tout comme au candidat. Certains diront qu’ils n’ont pas les moyens d’avoir un poste d’une telle importance vacant plus longtemps. Évaluez alors ce qui coûterait le plus cher : commettre une erreur aujourd’hui ou garder le poste vacant encore une ou deux autres semaines, mais avoir la conviction d’embaucher la meilleure personne.

Partie de poker

Ces deux dernières années, l’exemple que nous venons de donner n’a pas été que de la fiction pour bien des gestionnaires. Ils y ont fait face et, pour certains, à plus d’une occasion. En pareil scénario, il faut garder la tête froide et prendre une décision rationnelle. Réfléchissez comme un joueur de poker ! Qui vous dit que ces supposées offres ne sont pas du « bluff » ? Vous me direz qu’en période de pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas étonnant d’avoir trois offres simultanées. Peut-être ! Peut-être pas ! Estimez-vous avoir suffisamment charmé ce candidat pour qu’il souhaite poursuivre votre processus et joindre votre organisation ? En somme, avez-vous bien vendu la « Quinte royale » que vous avez en main ? Si oui, il poursuivra; sinon, il ira ailleurs. Gardez le gros bout du bâton et demandez-vous si vous êtes réellement prêt à tout miser  sur un candidat, sans avoir la certitude de lui avoir tapé dans l’œil ?

Course contre la montre

Bien que nous vous encouragions à comparer les candidats et à ne pas diluer votre processus, ça ne veut pas dire de l’étirer. Tout comme vous le faites pour votre plan d’affaires, respectez les étapes. Certaines conjonctures pourraient vous forcer à trouver ce juste équilibre entre diligence et urgence. Dans ce cas, usez de créativité et combinez certaines des étapes de votre processus afin de sauver du temps :

Vous avez prévu soumettre les candidats à des tests ?
C’est une très bonne façon d’évaluer leurs compétences comportementales. Alors, pourquoi ne pas le faire tout de suite après le premier entretien ?

Vos finalistes devront présenter un plan d’affaires et rencontrer quelques futurs collègues ?
C’est une excellente approche pour renforcer le sentiment d’appartenance de vos employés et permettre aux candidats de voir si le courant passe avec leurs potentiels futurs collègues. Alors pourquoi ne pas procéder à cette séance de questions ouvertes immédiatement après que les candidats ont présenté leur plan.

Trop faire durer le processus peut être aussi dommageable qu’une course contre la montre. Comme nous l’avons indiqué plus tôt, les meilleurs candidats risquent de recevoir d’autres propositions en cours de route. Si celui-ci est en cinq étapes, vous pouvez facilement donner l’impression de le réduire à trois avec un peu d’imagination.

Surenchère

À l’instar du marché de l’immobilier, celui des candidats s’est lui aussi beaucoup transformé. La surenchère est devenue monnaie courante et un article du Journal de Québec du 21 novembre 2021 comparait le secteur de l’embauche au « Far West ». Il est vrai que la pression sur les salaires est de plus en plus grande. L’inflation qui est à son plus fort depuis de nombreuses années y contribue aussi certainement. Mais si vous avez voté un budget pour un poste à combler, nous recommandons de vous y tenir. Réfléchissez aux impacts que pourrait avoir une surenchère sur votre équité et votre échelle salariale ? Cela vous obligerait à revoir la rémunération de combien de vos employés ? Une fois le tout calculé, est-ce que ce candidat représenterait toujours un retour sur investissement ? Voilà une belle occasion de réviser votre échelle salariale à la hausse.

Symptômes de la COVID-19

Les effets de la pandémie sur les difficultés de recrutement ajoutent pour leur part une couche aux préoccupations qu’avaient déjà les employeurs. Les confinements qui en ont résulté ont entraîné un changement de mentalité chez les candidats vis-à-vis du marché du travail. Leurs priorités et exigences ne sont plus les mêmes et ils avouent ouvertement être plus difficiles qu’avant au moment de chercher un nouvel emploi. Le rapport de forces s’est inversé et si certains employeurs y voient un défi additionnel, d’autres en profitent pour adapter leur offre afin d’être plus compétitifs. Comme nous l’avons vu dans notre récente chronique Recrutement et culture d’entreprise, de nombreuses organisations ont changé leur mentalité face au télétravail, à la flexibilité des horaires et à la conciliation travail-famille.

Chose certaine, la pénurie de main-d’œuvre que connaissent le Québec et beaucoup de pays occidentaux n’est pas près de s’estomper. Le vieillissement de la population et le départ à la retraite des baby-boomers en sont les principales causes. Ce phénomène, combiné aux effets de la pandémie, rend le recrutement plus complexe, raison de plus pour ne pas bâcler son processus. Au contraire, raffinez-le et vous éviterez de procéder à des embauches coûteuses. Les entreprises qui sauront le mieux s’ajuster à ces nombreux changements en sortiront grandes gagnantes.

Source:
Par Martin Lauzon
Consultant Sénior | Espace talent