Chroniques
21 septembre 2022
Chroniques

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le virus de la COVID-19 a propulsé, avec très peu de préavis, le marché du travail dans un « Twilight zone ». Si des entreprises en sont sorties grandies, d’autres ont dû malheureusement fermer boutique. Cet épisode aura forcé les industries à devoir s’adapter, innover et faire preuve de résilience. Qu’on l’appelle télétravail ou travail à distance, cette formule s’est imposée d’elle-même dans un claquement de doigts. Si bon nombre d’organisations ont dû se mettre à jour sur le plan technologique et revoir leurs systèmes et équipements, d’autres ont littéralement revisité leur organisation du travail et façons de faire. Cette chronique propose donc de faire un survol de cette nouvelle réalité afin de mieux en cerner les différents enjeux.

Qu’est-ce que le télétravail?

Selon le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale « Le télétravail permet à un employé d’accomplir une partie ou la totalité de son travail à l’extérieur de l’établissement appartenant à l’employeur ». La plupart effectue du travail à domicile, mais il existe aussi sous d’autres formes. Certaines entreprises donnent accès à des bureaux satellites, des employés travaillent de manière nomade (train, métro) et un modèle d’affaires encore jeune a connu un essor important, celui des espaces de travail partagé (coworking). En recréant une forme de travail en entreprise, ces derniers réunissent les travailleurs, leur permettent d’élargir leur réseau de collaborateurs, et ce, sans les désagréments du voyagement quotidien. Télétravail Québec vient d’ailleurs récemment de lancer la plateforme Nomade, un répertoire d’adresses où télétravailler de façon sécuritaire.

Le télétravail, est-ce pour tout le monde?

Il va de soi que le télétravail n’est pas applicable à tous les emplois. Un assembleur travaillant sur une ligne de fabrication ne peut pas exercer son métier ailleurs qu’à l’usine. Puis, même si un rôle peut être acquitté à distance, ça ne convient pas nécessairement à tout votre personnel. La pandémie l’a imposé et bien que ça ait pu plaire à une majorité, la santé mentale de certains autres a été affectée.

Le mode virtuel peut avoir été nocif pour un individu ayant choisi une profession spécifiquement parce qu’elle donne accès à beaucoup d’interactions humaines. Certains célibataires vivant seuls ont souffert d’isolement pendant le confinement. De jeunes professionnels logeant à plusieurs dans le même appartement ont trouvé complexe de pratiquer le « coworking » avec colocataires, pitou et minou. Pas facile non plus pour les couples ayant dû travailler de la cuisine, de la chambre et parfois du placard. En fonction de la situation personnelle, le niveau de confort peut être très variable en télétravail.

Est-ce que le télétravail sera prolongé en fin de pandémie ?

Au départ, ils étaient nombreux à douter du succès du travail à distance. Les sceptiques ont été confondus et tout porte à croire que le télétravail prend racine tranquillement. Et dans une plus forte mesure, le mode hybride. La professeure Tania Saba de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal a conduit une étude auprès de salariés, sur la Pratique du télétravail. 40% se disent plus productifs et 36% considèrent mieux réaliser leur travail. Puis, l’Ordre des CRHA donne le même son de cloche dans leur rapport sur le Harcèlement en contexte de télétravail. Les professionnels en ressources humaines questionnés croient à 57% que leur organisation maintiendra cette mesure à court terme et 74% estiment qu’elle sera élargie à long terme.

L’impact du télétravail

Pour l’employé

Même si pour un employé, le télétravail n’est pas une mesure de conciliation de travail-famille, il lui permet malgré tout plus de latitude dans sa gestion du temps. Réduisant les périodes de déplacement, il procure un meilleur équilibre. Fournissant une plus grande souplesse, il diminue également les distractions entre collègues. En revanche, ces dernières peuvent venir de la famille et comme on distingue moins la maison du travail, certains travaillent un nombre d’heures exagéré. Aussi, des ressources moins expérimentées ou autonomes pourraient souffrir d’un manque d’encadrement ou à l’inverse, d’une supervision excessive.

Pour l’employeur

Le télétravail peut devenir un excellent allié pour les entreprises dans leur recrutement ou rétention de personnel. Cette formule a aussi amélioré la productivité de bien des organisations. Et que dire des économies réalisées en réduisant considérablement la taille de leurs bureaux.  D’un autre côté, la mise à jour du parc informatique a fait exploser les frais technologiques de quelques-unes d’entre elles. Aussi, des gestionnaires ont plus de difficulté à entretenir le contact et la communication avec leurs subalternes et clients de manière virtuelle. Ainsi, leurs principaux défis résideront dans la communication de l’information (objectifs et attentes) et le développement de nouvelles habitudes de travail. Puis, comme une majorité de la main-d’œuvre est prête à changer d’entreprise si elle permet d’améliorer leur qualité de vie, la fidélisation des ressources deviendra un enjeu capital.

Pour la société

La communauté en général a elle aussi été affectée par le télétravail. Les conséquences ont été majeures pour de nombreux commerçants et restaurateurs quand les télétravailleurs ont déserté les centres-villes. Une analyse de PWC rapporté par Radio-Canada révèle d’ailleurs que l’impact pourrait aller jusqu’à diminuer les dépenses de consommation de 14% dans le centre-ville de Montréal. En contrepartie, ce modèle de travail a l’avantage de réduire la circulation, et par le fait même, la pollution. Sans compter que le fait d’avoir davantage d’employés à la maison dans les villes-dortoirs ne pourra que réduire le nombre des vols de domiciles.

Comment mettre en place le télétravail?

Les défis accompagnant le télétravail peuvent être d’ordre logistique, juridique, technologique ou de santé et sécurité. C’est pourquoi il est recommandé d’élaborer une entente écrite, entre employeur et employé, afin d’y détailler les attentes de part et d’autre. Elle permettra d’ouvrir le dialogue sur divers sujets : santé et sécurité, planification du travail, aménagement de l’espace de travail, qui fournira le poste de travail et l’ordinateur, partage des frais d’électricité, d’Internet, de cellulaire, etc.

Au niveau de l’employeur

L’expérience récente aura permis de développer des outils pour vous appuyer dans la mise en place de votre modèle. Le Centre Canadien d’Hygiène et de Sécurité au Travail (CCHST) propose une fiche d’information, tout comme le fait le Conseil du Patronat du Québec (CPQ) avec son Guide pratique pour l’implantation du télétravail en entreprise. Ces références vous permettront d’anticiper les problèmes pouvant survenir.

Au niveau de l’employé

Tant au niveau des horaires de travail que dans les tâches quotidiennes, il est recommandé aux salariés de rapidement établir une routine et la respecter. Sélectionnez ensuite l’endroit de la maison où vous travaillerez. Assurez-vous que l’environnement de travail soit propice, éclairé et à l’abri des distractions. Si au bureau vous vous accordiez des discussions de machine à café, prenez des pauses et allez marcher à l’extérieur pour vous changer les idées. Gardez le contact avec vos collègues et informez votre superviseur du développement de vos projets. Si l’employeur vous fournit un ordinateur, sachez que vous êtes le seul responsable d’assurer la confidentialité de l’information, des données et documents corporatifs s’y trouvant.

Comment se motiver en télétravail?

Dans notre chronique Recrutement et culture d’entreprise, nous évoquions que le salaire n’est plus le premier critère motivant un candidat à accepter ou refuser un emploi. Ce sont maintenant la responsabilisation, le sentiment d’appartenance et la reconnaissance qui priment. Il est donc impératif d’évaluer comment ceux-ci seront affectés par le télétravail.

Dans un tel contexte, l’employeur peut avoir un énorme impact sur la motivation de l’employé. Ainsi, donnez-leur l’autonomie dont ils ont besoin pour se responsabiliser. Il est plus payant de les évaluer en fonction de leurs résultats, plutôt que de les superviser à l’extrême. Les réunions virtuelles peuvent devenir fastidieuses alors dynamisez-les! Demandez à vos collaborateurs de garder leur caméra ouverte et complétez vos meetings avec un petit jeu. Ces « Mini Team-Buildings » de 5 ou 10 minutes renforceront le sentiment d’appartenance. Sur le plan de la reconnaissance, créez une séance distincte qui servira exclusivement à souligner les bons coups.

Le mode hybride : une saine solution

De toute évidence, le télétravail fera partie du paysage pour encore longtemps puisque chaque partie semble y trouver son compte. Cette pratique n’étant pas parfaite, afin d’en contrer les quelques inconvénients, nombreux sont ceux qui considèrent toutefois le mode hybride comme voie de l’avenir.

Pourquoi? Parce que celui-ci procure aux employés un meilleur équilibre entre le travail solitaire et les interactions sociales, de même qu’ils ont plus de facilité à se limiter dans le nombre d’heures travaillés.  Et bien que ça puisse paraître banal, ils peuvent enfin renouer avec ce plaisir oublié de retrouver son « chez soi » après une journée au bureau. Autant d’éléments qui ont un impact positif sur leur santé mentale.

Pour les organisations, l’alternance bureau-maison ne les priverait aucunement des économies potentielles sur le plan de l’immobilier. Tout le personnel n’étant pas nécessairement au bureau en même temps, elles n’ont plus besoin d’autant de pieds carrés qu’auparavant. Plus encore, en augmentant les prises de contact en personne avec leurs employés, les gestionnaires ne feront qu’améliorer le canal de communication et renforcir la culture d’entreprise. N’en découlera qu’un meilleur sentiment d’appartenance et un accroissement de la fidélisation.

La communauté et les commerces en sortiront eux aussi gagnants! D’abord, le retour des travailleurs dans les grands centres ramènera la consommation un peu plus à niveau dans les boutiques et restaurants. Puis, en diminuant l’achalandage sur les routes versus avant la pandémie, on améliorera la qualité de l’air en réduisant la quantité de pollution rejetée dans l’atmosphère.

Après tout l’humain n’est-il pas un animal social? Il est important de continuer à se rassembler. Dans tous les contextes, l’énergie ne se transmet pas de la même façon à travers un écran d’ordinateur qu’en personne. Pour toutes ces raisons, le mode hybride semble être un compromis intéressant afin d’éviter de nous dénaturer et pour garder ce contact humain qui nous est si cher.

Source:
Par Martin Lauzon
Consultant Sénior | Espace talent